Connaissez-vous la revue l’OBSERVATOIRE
Revue d’action sociale et médico-sociale
dont le numéro 53 de juin 2007 est consacré
à la place de l’homme ?
Sur ce sujet, qui concerne aussi bien les hommes que les femmes, vous trouverez des points de vue différents, masculins et féminins.
Vous trouverez aussi (p. 83 à 87) mon article :
« Une bien-pensance qui, pour protéger les femmes, tend à diaboliser les hommes »
L'Observatoire n°53 est disponible au prix de 10 euros (+frais de port). Vous pouvez commander via le site: www.revueobservatoire.be
ou à l'adresse info@revueobservatoire.be
Une bien-pensance
qui, pour protéger les femmes,
tend à diaboliser les hommes
Les rapports homme-femme, masculin-féminin sont le centre de nombreux débats et il y a consensus dans les pays occidentaux pour effacer toute trace de société patriarcale traditionnelle et prôner l’égalité entre hommes et femmes. L’insuffisance de parité et l’épouvantail d’un recul des droits acquis renforce néanmoins les féministes dans leur lutte contre toutes les discriminations. Cette volonté légitime et quasi unanime ne favorise-t-elle pas cependant la perte de l’esprit critique et l’installation d’une bien-pensance ? La contestation des valeurs traditionnelles et l’idéalisation de celles qui leur sont opposées n’aboutissent-t-elles pas à une victimisation des femmes et à une diabolisation des hommes ?
Contestation des valeurs traditionnelles et idéalisation des valeurs féminines
Il y a plus de 10 000 ans, la mise en place de la phallocratie déclenche la guerre des sexes. Alors que l’humain reste fasciné par le féminin, la société patriarcale traditionnelle donne la priorité au versant masculin. Elle infériorise d’autant plus les femmes qu’elles sont accusées de détourner les hommes de leurs devoirs et d’occasionner des désordres préjudiciables à l’ordre établi. La différence féminine transparaît dans les œuvres d’artistes et d’intellectuels isolés ou dans des revendications spontanées. Elle trouble les individus mais ne peut cependant atteindre les dirigeants qui assoient leur légitimité sur des divinités masculines ou même sur un dieu unique et incontesté. Il faut attendre le XVIème siècle en Europe pour que soit remise en cause l’origine divine de toute autorité sur terre. La société patriarcale traditionnelle se trouve dès lors combattue par des forces contraires qu’il est possible de qualifier de « féministes » dans la mesure où elles vont s’opposer radicalement à toutes les valeurs, à toutes les règles, à toutes les institutions mises en place par l’homme pour maîtriser la féminité. La contestation de la domination mâle par les humanistes, par les philosophes des Lumières, les révolutionnaires, les romantiques, les libéraux, les démocrates et enfin par les mouvements féministes, va venir à bout en quelques siècles des régimes autoritaires et sexistes. Ceux-ci ont pratiquement disparu, au moins dans le monde occidental, et les rares individus qui espèrent leur retour n’ont plus la possibilité de le manifester en public.
Avec le refus de la société patriarcale traditionnelle, c’est le prestige de l’homme lui-même qui est sérieusement mis à mal : dans tous les domaines, sa place qui était évidente ne l’est plus. Non seulement il ne profite plus autant de l’aura que lui donnait le pouvoir politique, mais son pouvoir économique n’est plus garanti. La société organisée par lui et pour lui s’est féminisée. Quand il « s’accroche » encore à ses titres, il n’en retire plus la même gloire. Enfin, cet homme que l’on pourrait croire fort et obstiné est le premier à applaudir les femmes ; il peut même se laisser aller à fantasmer sur leur toute puissance : le féminisme triomphe !
Les femmes n’ont pas encore pris le pouvoir détenu par les hommes, mais l’idéologie machiste sur laquelle reposait leur domination n’est plus prééminente. Au contraire, toutes les valeurs masculines sont aujourd’hui dépassées ; toutes les institutions qui s’en réclamaient sont suspectées ; toutes les autorités, qu’elles soient politiques, économiques, religieuses, scolaires, médicales, familiales … sont remises en cause. Aujourd’hui, l’individu libre ne veut plus dépendre de qui que ce soit ; dans une société qui a pour principe l’égalité, la hiérarchie devient indécente. Tout homme dans une position de pouvoir et à plus forte raison s’il appartient aux cadres traditionnels est menacé par le « changement » qui apparaît inévitable et forcément bienfaisant : la pensée dominante est dorénavant celle des dominés ! Ainsi l’opinion, qui adopte une position maternelle et protectrice, préfère se situer du côté des plus faibles, des femmes face aux hommes, des hommes de couleur face aux blancs, des pauvres face aux riches, des minorités face à la majorité, des homosexuels face aux hétérosexuels … Il faut écouter la France d’en bas, faire de la « démocratie participative » et ne plus se fier aux énarques ! Il ne faut plus être obéissant mais rebelle, ne plus être raisonnable mais spontané et même passionné ! Puisqu’il y a égalité et que tout se vaut, apparaître cultivé est devenu méprisant : la réflexion et le jugement rigoureux ne font-ils pas apparaître des nuances et des oppositions qui empêchent d’éprouver ensemble de belles sensations… « L’imperium de la raison a cédé le pas à la tyrannie de l’émotion[1] » qui non seulement n’est plus réprimée mais devient la clé du bonheur. Des valeurs et des qualités dites masculines, il n’est montré que le côté négatif alors qu’inversement celles dites féminines apparaissent uniquement positives. Ainsi la force devient de la sauvagerie, la distance de l’indifférence, la rigueur de l’inadaptation, tandis que l’attendrissement est toujours associé à l’amour mais jamais au manque de fermeté, la proximité à l’écoute mais jamais à la confusion. La vision du monde féministe dévalorise tout le versant masculin et adulte mis en avant par les hommes au pouvoir pour n’encenser désormais que le féminin et la jeunesse. Elisabeth Badinter le reconnaît elle-même : « Le rêve égalitaire a démantelé la masculinité traditionnelle et mis fin à son prestige. (…) Cela s’est traduit par un rejet des valeurs masculines et l’idéalisation des valeurs féminines. »[2] Cette nouvelle norme est maintenant acceptée y compris par les hommes, tant ces derniers sont honteux d’appartenir à l’espèce mâle coupable des forfaits sexistes. Leur besoin de repentance face à celles qui apparaissent toujours comme des victimes, les obligent à se taire, à se terrer, à s’oublier eux-mêmes. La révolution féministe apportant liberté, modernité, harmonie s’impose.
« Victimisation » des femmes et « diabolisation » des hommes
La nouvelle pensée féministe rejette toute idée de supériorité de l’un par rapport à l’autre. Au nom de l’égalité, la différence des sexes ayant servi à justifier la domination de l’homme, est remise en cause. La difficulté à assumer l’altérité, résolue par les hommes en infériorisant les femmes, se règle désormais en niant les différences : celles qui sont visibles ou que la science arrive à démontrer sont minimisées ; celles qui sont issues de la structuration du psychisme et ne peuvent être prouvées, puisque appartenant au domaine de l’inconscient, sont déniées. Les travaux de psychanalystes aussi réputés que ceux de Lacan ou Françoise Dolto sont accusés de cautionner le patriarcat et sont relégués dans l’oubli au profit de ceux des sociologues dénonçant les ravages de la construction sociale « genrée ». L’éducation et les discriminations sexistes pourraient en elles-mêmes expliquer tout manque de parité.
La diabolisation du pouvoir masculin
Déniant la différence des sexes, la bien-pensance féministe transforme l’égalité en droits en droit à l’égalité et la demande d’équilibre, en droit à la parité. Le caractère injuste et misogyne de la société dirigée par les hommes est ainsi d’autant plus facile à démontrer que cette exigence n’est jamais satisfaite. Chaque homme atteignant une fonction importante s’expose ainsi à être dénigré ; ne sont plus mis en avant ni sa volonté, ni sa débauche d’efforts pour y arriver, ni son talent pour l’exercer. Il est au contraire suspecté d’avoir bénéficié de faveurs et d’abuser de son pouvoir. Le pourcentage de femmes députés fait certes apparaître de très nettes inégalités, mais s’est-on un jour demandé quel était réellement le pourcentage de femmes vraiment intéressées par ce poste ? Le rapport entre femmes et hommes motivés ne serait-il pas sensiblement le même que celui des élus ? S’il semble difficile de ne pas imputer une part de leur manque de combativité à la construction sociale en place, c’est davantage leur différence de structuration du psychisme qui semble ici se manifester : les remarques notamment d’Edith Cresson et de Françoise Giroud[3] qui laissent entendre que le pouvoir a tendance à augmenter les capacités de séduction des hommes et à diminuer celles des femmes, vont dans le sens de ce postulat. Cette constatation ne traduit-elle pas la différence de sensibilité des hommes et des femmes face au pouvoir ? En effet, l’homme fasciné par « La femme » qu’il fantasme « toute-puissante » n’a-t-il pas besoin de « gagner de la hauteur » pour la mériter ? De son côté, celle-ci n’a-t-elle pas envie aussi d’un homme brillant pour pouvoir l’admirer, c’est à dire se mirer dans lui et se voir ainsi confirmer sa toute-puissance fantasmatique ? Ainsi, combien de femmes soit disant dans l’ombre, poussent-elles leur compagnon vers les titres et les honneurs pour en jouir autant, sinon plus que lui, lorsqu’il les obtient ! Le goût des hommes pour les honneurs serait-il moins glorieux que celui des femmes pour les hommes célèbres ! Ces quêtes ne sont-elles pas tout simplement différentes et humaines et n’expliquent-t-elles pas en grande partie les écarts de motivation et le manque de parité dans ce domaine !La diabolisation de la sexualité masculine
La dénégation de la différence des sexes a aussi bouleversé les règles de vie en société. Alors que le port du voile sert encore à inférioriser la femme, la politique du « tout sauf le tchador » est appliquée par la femme libérée. Au nom de l’égalité, il n’est plus tenu compte du regard de l’homme et celui-ci, s’il est troublé par un déshabillé, est invité à fermer les yeux ou à régler lui-même ce qui est considéré « comme son problème ». Alors que ces tenues vestimentaires ou l’absence de tenue sont destinées à attirer l’attention et surtout celle de l’homme, il lui est demandé de rester neutre et distant. L’homme ne doit plus libérer sa sexualité, comme le demandaient les soixante-huitards, mais s’en libérer. Pour être correct face à une femme qui libère la sienne, il doit maîtriser ses pulsions et ne plus avoir de désirs s’il ne veut pas être perçu comme un obsédé sexuel et condamné pour harcellement.
La diabolisation de la violence masculine
La victimisation des femmes est encore plus nette lorsqu’on aborde le sujet sensible des violences. S’il n’est pas question de justifier, ni même de minimiser celles qui leur sont faites, il est néanmoins possible de se demander pourquoi les études ne concernent que celles-ci et jamais celles faites aux hommes. L’étude de l’Enveff [4] (que de nombreuses féministes, parmi lesquelles Elisabeth Badinter, contestent) est de plus très souvent manipulée : les 10 % de femmes victimes de violences conjugales deviennent parfois des femmes battues alors que ce sont les violences verbales les plus nombreuses. Les hommes ne recevraient-ils jamais de gifles ni jamais d’insultes ? Si l’on veut bien admettre la différence des sexes et donc que la violence physique d’un homme sur une femme fait plus de dégâts que celle d’une femme sur un homme, ne faudrait-il pas alors se demander si la violence psychique exercée par une femme sur un homme, qui certes ne laisse pas de traces visibles, ne fait pas plus de dégâts que celle d’un homme à l’encontre d’une femme ? Mais là encore cette question est d’autant plus choquante que les hommes eux-mêmes, subissant ce que certains appellent « un viol psychique », ne le comprennent pas et ne veulent pas le reconnaître : cette agression qui les renvoie à la castration psychique primaire est encore trop insupportable et ils préfèrent la refouler. Très souvent, et d’autant plus facilement qu’ils culpabilisent eux-mêmes, ils sont pourtant renvoyés à leurs problèmes personnels et invités à se « faire soigner ». Cette réponse n’est-elle pas comparable à la défense de certains violeurs qui, n’éprouvant pas ce les femmes peuvent ressentir, leur reprochent de « faire toute une histoire » d’avoir été « un peu forcées » à faire l’amour. L’homme moins sensible aux brutalités physiques peut s’imaginer qu’il en est de même pour le sexe opposé. Il ne peut respecter « la fragilité physique » de l’autre sexe que s’il s’efforce de la concevoir. Alors pourquoi les femmes, qui ne peuvent éprouver la fragilité psychique des hommes, ne devraient-elles pas elles aussi accepter de l’entendre et d’en tenir compte ? Si la fragilité physique n’est pas une infériorité de la femme, pourquoi la fragilité psychique des hommes devrait-elle être une faiblesse ? Si les agressions faites aux femmes sont inacceptables, pourquoi faudrait-il cautionner celles faites aux hommes ? Le fait que les victimes feminines puissent être plus nombreuses et depuis plus longtemps, devrait-il les y autoriser ?
La diabolisation de l’homme
La vision du monde féministe qui diabolise ce qui émane du genre masculin ne reconnaît pas pour autant les nouvelles valeurs de référence comme féminines : elle les considère comme des qualités dont l’homme et la femme sont également pourvus et qu’ils peuvent et doivent donc l’un et l’autre développer : l’égalité entre eux paraissant possible, toute différence de performance est jugée anormale. Alors que l’incomplétude de la femme serait la conséquence d’une construction sociale sexiste, les manquements de l’homme proviendraient, quant à eux, d’une mauvaise éducation à corriger impérativement. Obligé de se mettre à niveau, il pourrait bénéficier d’une compassion toute maternelle, s’il acceptait de se remettre en cause. Il sera par contre rendu responsable de son exclusion, s’il se montre réfractaire au « progrès ».
Bien-pensance et perte de repères
Après des siècles de dictature mâle, la réaction féminine apparaît comme un juste retour de balancier. La diabolisation de l’homme et du masculin déconcerte ce sexe autrefois dit « fort ». Elle laisse aussi les femmes dans le regret de ne plus trouver face à elles un homme avec lequel se confronter et sur lequel s’appuyer. Celui-ci a perdu son prestige et abandonné l’autorité paternelle. Or, la transformation de cette dernière en autorité parentale se traduit le plus souvent par la perte de l’autorité du père. La dénonciation justifiée de son rôle traditionnel, tyrannique et sexiste, a permis le rejet à l’unanimité de sa fonction éducative forcément répressive. Si la fin des conflits et l’installation d’un dialogue démocratique et apaisé avec les enfants semblent pour la majorité un progrès incontestable, qu’en est-il exactement ? Ne voit-on pas de plus en plus d’enfants sans limites ? Ne voit-on pas de plus en plus d’enfants « hors la loi » incapables de suivre les règles de vie en société, les règles de la discipline, de l’écriture, de la langue, du calcul et donc inaptes à apprendre quoi que ce soit dans la famille ou à l’école ? Comment pourraient-ils d’ailleurs apprendre d’un professeur dont l’autorité est de moins en moins reconnue ? Considérés avec une compassion toute maternelle, ces élèves sont excusés pour leur manque de motivation et la responsabilité de l’échec scolaire est attribuée à l’école alors qu’elle n’a jamais été aussi accueillante, que les enseignants n’ont jamais été aussi compétents, que les méthodes pédagogiques n’ont jamais été aussi pointues.
La dévalorisation de la fonction du père est en grande partie responsable des difficultés d’apprentissage. Elle favorise aussi ce qu’elle voulait empêcher : la montée de la violence et du machisme. En effet, la non-violence engendre souvent la violence. Le pacifisme affiché sert parfois de paravent au laxisme et au refus d’entrer en conflit pour maintenir des liens affectifs fusionnels. La condamnation des anciennes méthodes éducatives, parfois inhumaines, justifie aussi le refus de fixer les limites. L’enfant, sans repère, ne pouvant se confronter à une autorité qui lui résiste et ne pouvant exprimer sa révolte, a alors tendance à « avoir la haine ». Ne sachant ni comment l’exprimer, ni contre qui la diriger, il ne peut que la retourner contre lui-même ou contre le premier venu. Les femmes en sont les premières victimes. Le machisme s’est longtemps reproduit par l’éducation mais aujourd’hui il est surtout la conséquence d’un manque d’éducation. Les néomachos sont souvent des enfants sans père et sans repères. N’ayant pas eu de modèle d’homme à imiter, ils l’inventent en le caricaturant. Ne pouvant admirer des pères humiliés par la révolution industrielle, par la défaite de 1918, par le chômage, les jeunes allemands des années trente avaient trouvé leur référence chez les nazis ! De même aujourd’hui, pour se prouver qu’ils sont des hommes, certains adolescents ont-ils besoin de dominer les jeunes filles et de se montrer violents : le viol devient pour eux le moyen de retrouver l’honneur perdu des mâles. Pour se construire une identité, certains peuvent investir une religion qu’ils ne connaissent que très peu et qu’ils vont pratiquer de façon caricaturale, l’intégrisme devenant alors le moyen de justifier leur machisme. Ces nouveaux machos sans cadre sont ainsi plus dangereux que les anciens, qui étaient malgré tout limités par les règles strictes de la société traditionnelle.
Le manque de père est peu évoqué pour expliquer la délinquance, l’échec scolaire ou la montée du machisme. Ce sont au contraire les contextes sociaux difficiles qui deviennent les causes alors qu’ils ne sont souvent que des phénomènes aggravants. La victimisation des dominés évite ainsi de s’interroger sur la façon dont on éduque nos enfants dans une société égalitariste où les fonctions symboliques non interchangeables de père et de mère ont été abandonnées au profit des seuls rôles affectifs semblables ? Ce sujet est cependant trop dérangeant puisqu’il remet en cause la conception de l’autorité parentale et donc de l’égalité défendue par les tenants de la bien-pensance féministe.
Bien-pensance et idéologie sexiste
Luttant contre le sexisme des hommes et se positionnant du côté de la démocratie, la pensée féministe apparaît infaillible. Se réclamant des principes d’égalité et réfutant la supériorité ou l’infériorité des uns ou des autres, les bien-pensants féministes disent condamner le sexisme. Ils n’infériorisent effectivement pas les hommes en tant que groupe sexué, mais peuvent par contre les accuser de lenteur pour acquérir des qualités que les femmes possèdent et qui sont imposées comme modèle. Par ce subterfuge très subtil, ils semblent ne critiquer que les individus mal éduqués ou malades et non le sexe mâle, mais pourtant les sujets concernés et diabolisés sont toujours de sexe masculin. Ils sont englobés dans « l’axe du mal » (du mâle) contre lequel il faut lancer la croisade. L’autre sexe, non admis par l’idéologie machiste ne l’est pas davantage par le gynocentrisme féministe. En effet, celui-ci, en considérant les hommes « malades », n’est-il pas le pendant féminin du sexisme masculin qui faisait des femmes « des hommes imparfaits » ? La différence entre ces deux sexismes ne réside-t-elle pas simplement dans le fait que l’un est maintenant condamnable et même condamné alors que l’autre devient la norme ?
Aujourd’hui, ne pas s’inscrire dans le mouvement progressiste et féministe est devenu une marque d’immobilisme, d’obscurantisme et de collusion avec les adversaires de la démocratie. La lutte exige une adhésion totale : la critique de son groupe fait de son auteur un ennemi, un traître qu’il faut éliminer. Désapprouver la vision du monde qui transforme l’égalité en droits en égalitarisme est inimaginable. Ne pas dénoncer dans toute différence une discrimination est assimilé à du révisionnisme. Les tenants de la bien-pensance féministe, comme de toute idéologie, ne peuvent concevoir qu’ils puissent dériver. Ils apparentent le moindre questionnement à une remise en cause des droits des femmes, à une attaque venant du « camp adverse ». Le simple fait qu’il y ait interrogation est la preuve de l’existence d’une menace réactionnaire qui légitime une riposte radicale. Comme dans les régimes totalitaires, la ligne officielle ne peut être contestée et ceux qui émettent des réserves sont traqués. Ces dissidents sont alors jugés avant d’être entendus. Ils ne sont pas condamnés au goulag mais ne sont pas écoutés et cloués au pilori avec l’étiquette de « vieux machos réactionnaires » par le « camp du bien ». Réduits au silence et à l’oubli, ils n’empêchent plus les bien-pensants de bien penser en s’auto-congratulant.
La réaction féministe aux outrances de la société patriarcale traditionnelle a fait avancer la société occidentale. En devenant une idéologie dominante, cette réaction dérive et se sclérose en une nouvelle bien-pensance qui bloque toute réflexion. La nécessité de continuer la lutte pour le respect des droits n’a pourtant pas à craindre la démobilisation des militants. Au contraire, les questionnements sont indispensables pour faire progresser une pensée et évoluer les projets. Non seulement les dérives décrédibilisent le féminisme mais alors que ses partisans veulent en faire un rempart contre les réactionnaires, ils leur donnent des armes pour dénoncer la démocratie. Ainsi, le conservatisme de ceux qui veulent remettre en cause les droits acquis est alimenté par l’extrémisme de ceux qui se figent sur des positions utopistes. Ce manichéisme stérile et les tensions qu’il engendre entre les hommes et les femmes, ne favorise jamais le dialogue. Il ne permet ni la réflexion ni la recherche de règles du jeu acceptables pour vivre ensemble dans le respect des uns et des autres. N’est-ce pas au final la démocratie qui en pâtit ? N’est-ce pas au final les sujets hommes ou femmes qui en sont les victimes ?
[1] Elisabeth Badinter, propos recueillis par Elisabeth Lévy, Marianne, n° 279, du 26 août au 1er septembre 2002.
[2] Elisabeth Badinter, XY De l’identité masculine, Odile Jacob, 1992.
[3] Françoise Giroud : « Le pouvoir, un pouvoir, retire plus de séduction qu’il n’en rajoute à celle qui le détient ». Françoise Giroud et Bernard-Henri Lévy, Les hommes et les femmes, Olivier Orban, 1993.
[4] Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France, dirigée par Maryse Jaspard et commandée par le secrétariat aux Droits des Femmes, 2001.
Jean GABARD, http://www.jeangabard.com
Le féminisme et ses dérives - Du mâle dominant au père contesté.
Les Editions de Paris, mai 2006.
54 rue des Saint-pères 75007 Paris (Anne THEISS 01 45 44 16 22)