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Le néo-féminisme nuit au féminisme

« Quand une culture ne permet pas la rencontre, ne permet pas le débat, on se soumet à un slogan »   

 « La pensée paresseuse, c’est la certitude »   

Boris Cyrulnik

 

 

Dans mon 3ème essai, 

après avoir montré les avancées féministes

je dénonce un néo-féminisme extrémiste

aux conséquences très graves

sur les rapports femmes-hommes

et sur l’éducation des enfants

 

 

 

La place des pères et des mères

pour que les limites fixées soient intégrées

 

La remise en cause des sociétés patriarcales a permis, dans les pays occidentaux, d’inscrire dans la loi et avec l’approbation d’une grande majorité des populations, l’égalité en droits entre les hommes et les femmes. Ces conquêtes féministes qui devaient mettre fin à une guerre millénaire des sexes créent pourtant le trouble. Elles interpellent des féministes qui trouvent les progrès encore très insuffisants et craignent de perdre certains acquis. Elles suscitent aussi les interventions d’hommes et de femmes qui leur reprochent d’être allés trop loin ou même d’avoir fait « fausse route » ! 

 

Si ces réactions peuvent parfois favoriser le manichéisme ambiant, elles peuvent pourtant faire avancer la réflexion et permettre aux hommes et aux femmes de mieux vivre ensemble avec leurs différences.  Ce dialogue est d’autant plus nécessaire qu’il conditionne l’éducation que les parents ont le devoir de donner aux enfants.

 

  Pendant des siècles, les rôles des hommes et des femmes ont été cadrés avec rigueur par la société patriarcale. Depuis le XVème siècle, celle-ci a été contestée par une vision du monde que l’on peut appeler « féministe » dans la mesure où elle est totalement opposée à l’autoritarisme et au sexisme des hommes au pouvoir. Elle a favorisé la montée des idées libérales et, avec elles, des idées démocratiques. 

 

De trop nombreuses femmes sont encore victimes du sexisme, mais dans les pays occidentaux, leurs droits sont maintenant reconnus. En quarante ans la société et la famille ont connu un progrès sans précédent de la démocratie. Pour s’opposer aux théories réactionnaires, la nouvelle vision du monde devenue dominante dérive cependant chez certains en une idéologie qui a tendance à confondre l’égalité en droits avec le droit à l’égalité et la liberté avec la toute-puissance !

 

La volonté d’abolir un passé qui n’est plus acceptable favorise les positions contraires les plus révolutionnaires et le militantisme les exagère encore afin de pouvoir les imposer plus facilement.

L’utilisation de la différence des sexes, par les hommes du passé, pour inférioriser « l’Autre féminin », semble parfois autoriser l’humain moderne, fasciné par l’unité et la toute-puissance, à dénier ce manque incontournable. La réaction légitime contre des siècles de construction sociale sexiste fait oublier les différences biologiques et encore plus les différences de structuration du psychisme (celles-ci dépendent pourtant du fait d’être né d’une femme que l’on soit garçon ou fille et sont totalement indépendantes de la culture). Pour éviter les discriminations, il n’y a pas remise en cause de l’utilisation de la différence des sexes mais négation de cette dernière qui n’est ainsi plus gérée. …

Alors que l’égalité totale est recherchée, le féminin est pourtant favorisé. L’adulte, le père, le masculin, la raison, la culture, assimilés à la domination, sont rejetés. Il s’agit au contraire de retrouver le stade intra-utérin de l’indifférenciation, du « moi-tout » sans limite que l’enfant croit avoir perdu avec la naissance et qu’il a connoté positif par rapport à la vie avec ses violences et ses frustrations. Longtemps interdit, il s’agit aujourd’hui, au nom de la liberté, de satisfaire ce désir. Il est interdit de l’interdire et il est conseillé à chaque individu de développer son versant féminin et même enfantin.

 

La nouvelle idéologie somme les hommes et les femmes à « lâcher prise » et à développer leur féminité « originelle ». Les caractères autrefois dénigrés chez les femmes : la sensibilité, la spontanéité, la proximité, la complicité, l’écoute, la compassion, la flexibilité, la non-violence… sont en effet idéalisées alors que leurs opposés, autrefois vénérés chez les hommes : la froideur, la rigueur, la distance, la droiture, la fermeté, la force … sont dévalorisés.[1]

 

Alors que la femme était considérée comme un homme incomplet, elle est aujourd’hui admirée et d’autant plus écoutée qu’elle est présentée comme une victime. L’homme est au contraire diabolisé et porte le poids des millénaires de phallocratie. A moins qu’il ne joue les militants féministes, par conviction ou pour chercher à séduire, il a tendance à s’incliner pour ne pas paraître « macho ». Culpabilisé, il a même un devoir de repentance d’appartenir à la race des hommes et presque une obligation de soin pour rattraper le retard qu’il conserverait sur la femme, dans « sa réalisation intérieure ». Pour atteindre un androgynat utopique, il lui est prescrit de prendre exemple sur la femme. «L’homme nouveau» écume les stages et les thérapies pour apprendre à « être soi-même » à « retrouver sa féminité ». Trop honteux d’avoir toujours des difficultés, il se fait discret. Au lieu de connaître ses tendances, de les assumer pour pouvoir les utiliser à bon escient et devenir plus humain, l’homme se terre et lentement « s’évapore » !

 

Cette évolution des relations hommes/femmes a déjà provoqué de grands bouleversements dans une famille que l’on veut démocratique. L’interprétation des valeurs de liberté et d’égalité conjuguée à l’évaporation de l’homme ne simplifie pas la tâche. Faire intégrer les limites indispensables aux enfants est ainsi devenu de plus en plus problématique et les conséquences sont visibles dans la famille, à l’école et dans toute la société.

 

Les règles ne sont plus aujourd’hui dictées à tous par des autorités incontestables. Considérées comme des obstacles à la liberté, elles sont soit oubliées soit inventées dans l’instant et suivant des impressions personnelles. S’il semble difficile de les concevoir, il est encore plus difficile de les fixer et de savoir non seulement comment mais par qui pour qu’elles soient intégrées par les enfants.

 

La loi donnait l’autorité « aux pères et aux mères ». En ne disant pas « aux parents », mais « aux pères et aux mères », cette loi pointait nettement la différence des sexes que l’idéologie égalitariste a tendance à dénier aujourd’hui. 

 

La petite fille mise au monde par une personne du même sexe qu’elle et le petit garçon né d’une personne du sexe opposé n’ont pas le même rapport avec la maman qui leur a tout apporté et qui pour cela est perçue toute-puissante. Quand, en découvrant la différence des sexes, l’une se sent, comme sa référence, hors des limites, l’autre souffrira de ne plus pouvoir s’identifier à son modèle premier. Pour supporter cette terrible déception, il a besoin de la refouler en se prouvant qu’il n’a jamais voulu devenir comme sa maman et qu’il n’a donc aucune raison de souffrir. Pour cela, il lui faut dénier sa fascination pour le féminin et se persuader qu’il est préférable d’être un garçon. Ceci l’amène à exhiber ses attributs masculins et à dénigrer ce qui appartient à la féminité. Si ce machisme grotesque n’a pas lieu d’être cautionné par l’adulte, il est pourtant indispensable pour l’enfant qui a besoin, à ce moment, de trouver un modèle d’homme dont il est fier pour pouvoir sortir de sa sidération de la femme et se construire différemment.

 

  Cette structuration différente du psychisme conditionne le rapport à la loi. La maman n’est perçue ni comme le papa et ni pareillement par les petits garçons et par les petites filles. Fantasmée toute-puissante,[2] elle ne peut jouer les mêmes fonctions symboliques que le père. Ce qu’elle fait et dit est toujours interprété différemment par le tout petit enfant qui, s’il peut enregistrer énormément de sensations n’a pas encore les moyens de tout comprendre. Cette maman peut tout à fait faire preuve de sévérité. Si elle fixe seule des limites sans faire intervenir un tiers, l’enfant peut lui obéir mais cherche surtout à lui faire plaisir pour ne pas la perdre. Le but de ce dernier est de la copier pour rester dans la toute-puissance avec elle. Quand la maman veut le limiter, l’enfant lui n’a en fait qu’une idée : l’imiter. Il n’est jamais question de loi à respecter puisque la parole vient d’un lieu où, pour lui, la limite n’existe pas. Il reste hors la loi (contrairement à l’enfant victime de l’autoritarisme qui peut la rejeter, lui, ne la connaît pas !).

Le compagnon (qui n’est pas forcément le géniteur ou le papa) n’a pas mis au monde l’enfant et a « neuf mois de retard ». Il n’est pas perçu tout-puissant. Il peut faire intégrer les limites aux enfants. Pour cela il doit non seulement jouer la fonction symbolique de père en disant la loi mais aussi être écouté. Et il ne le sera que s’il est nommé, que s’il donne l’impression d’être aimé et valorisé par la mère.[3]

En consentant à se présenter comme quelqu’un qui écoute le père, la maman entre alors dans la fonction de mère. En donnant l’autorité, elle signifie à l’enfant qu’elle n’est pas toute-puissante puisqu’elle manque et qu’elle a besoin d’un autre. Cet homme mérite alors d’être écouté et la loi à laquelle il se plie et qu’il se contente de dire (il ne s’agit pas de faire sa loi), sera plus facile à entendre. L’exemple de ses parents assumant leur non toute-puissance (L’homme au pouvoir absolu ne peut être dans la fonction de père) permettra aussi à l’enfant de mieux accepter les limites.

 

Il semble donc que le tout petit enfant qui ne voit pas la réalité comme l’adulte, ait besoin de ce jeu pour intégrer la loi dans les premières années. Ce n’est que s’il l’assimile à cet âge, qu’il pourra, par la suite et après des années d’explications, comprendre que la loi puisse être dite aussi par la mère. Si la tendance est de le considérer très vite comme un grand, il ne faut cependant pas oublier que lui n’aspire qu’à fusionner avec sa maman. De même qu’il a eu des difficultés à supporter que sa maman ait eu besoin d’un homme pour enfanter (le mythe de la vierge Marie), il résiste longtemps à admettre que sa maman puisse être limitée et dans la loi. C’est en effet, pour lui, assumer qu’il n’est pas tout-puissant alors qu’il veut rester l’enfant-roi sans contrainte !  C’est pour cela qu’il reste longtemps nécessaire de répéter sérieusement mais sans se prendre au sérieux, ce qui n’est qu’un jeu.

 

La maman pouvait parfois se soumettre par obligation et faire de l’homme un ennemi à l’autoritarisme inefficace. Elle doit aujourd’hui faire jouer ce jeu à un homme qui doit s’efforcer de se faire aimer pour le mériter, parce que c’est nécessaire pour l’éducation des enfants et pour bien vivre ensemble.

 

La différence des sexes est une limite qui n’autorise pas les discriminations. Lorsqu’elle est assumée et donc gérée, elle permet aux hommes et aux femmes d’entrer en relation, de se structurer et de grandir. Elle n’est pas la cause ou la conséquence de la guerre des sexes mais au contraire source de liberté. Sa gestion intelligente est la condition de l’éducation des enfants …

 

Jean GABARD 

Auteur de

« Le féminisme et ses dérives – Rendre un père à l’enfant-roi »,

Les Editions de Paris Max Chaleil, réédition novembre 2011

« Materner ou éduquer – refonder l’école »

Les Editions de Paris Max Chaleil,  2016

 

 

 

[1] Elisabeth Badinter : « le rêve égalitaire a démantelé la masculinité traditionnelle et mis fin à son prestige. (…) cela s’est traduit par un rejet des valeurs masculines et l’idéalisation des valeurs féminines »

 

[2] Pour Aldo Naouri, « Ce n’est pas la mère qui se décrète toute puissante ou qui cherche à l’être, c’est l’enfant qui la perçoit comme telle, quoiqu’elle fasse ou ne fasse pas »

 

[3] « Ce n’est parce qu’un homme est un homme qu’il peut remplir la fonction paternelle auprès d’un enfant. Cette fonction ne peut être remplie que si la mère de l’enfant l’a choisi comme père pour cet enfant ou comme tiers pour cet enfant… » « Pour être un tiers, il faut être dans l’altérité. »  Jean-Pierre Winter psychanalyste

 

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