Les faits ne cessent pas d’exister
parce qu’on les ignore
Aldous Huxley
« Faire intégrer les limites aux enfants »
Aujourd’hui nous savons qu’il n’est plus « interdit d’interdire » comme dans les années 1970 et qu’il faut poser des limites aux enfants.
Nous avons aussi appris que nos enfants étaient des personnes, qu’il convenait de les respecter et de savoir leur parler pour qu’ils obéissent.
Il nous reste cependant un point important à régler pour pouvoir être plus efficace en leur fixant les limites : bien nous positionner (à une place acceptable par eux) pour jouer nos fonctions d’éducateur.
Un point essentiel mais délicat !
En effet parler de la place des pères et des mères fait encore trop penser aux rôles traditionnelles attribués aux hommes et aux femmes par la société patriarcale autoritaire et sexiste que nous rejetons à juste titre.
Alors, sans être « macho » et réactionnaire, quelle peut être la place des pères et des mères pour pouvoir faire intégrer les limites aux enfants qui en ont tant besoin pour se structurer ?
C’est à cette question que nous pouvons tenter d’apporter, si ce n’est des réponses, des éléments de réflexion
3 Conférences-débats dans le JURA
Avec Jean GABARD
organisées par Mutualité Française Jura (Service Enfance)
à ORGELET le mercredi 21 mai 2014 à 20h
à la Petite Salle Polyvalente 1, avenue Lacuzon
contact : 03 84 25 54 02
à ARBOIS le jeudi 22 mai 2014 à 20h30
salle Bocat au Château Pécauld rue du Château Pécauld
contact : 03.84.66.25.53
à CHAMPAGNOLE le vendredi 23 mai 2014 à 20h30
au Lycée Paul Emile Victor 625 rue de Gottmadingen
contact : 03.84.52.00.86
La place des pères et des mères
pour faire intégrer les limites aux enfants ?
La place du père et de la mère dans la famille a considérablement évolué depuis une cinquantaine d’années et ne paraît toujours pas évidente aujourd’hui : plus que jamais, en ce début de XXIème siècle, elle pose question !
Pendant des siècles, les rôles des hommes et des femmes ont été cadrés avec rigueur par la société patriarcale. La marche vers la démocratie a apporté, avec l’égalité en droits, des ouvertures. Aujourd’hui les hommes ne se sentent plus obligés de maintenir une posture rigide et acceptent de dévoiler leur sensibilité. Ils peuvent se permettre d’exprimer leurs sentiments et de participer à des tâches autrefois réservées aux femmes, sans pour autant sentir leur virilité défaillir. Ils sont même des papas beaucoup plus présents, plus proches, qui savent entourer leur famille de leur protection et de leur affection.
Si on ne peut que se féliciter du recul des comportements sexistes chez les hommes, celui-ci doit-il cependant devenir dans la famille « une femme comme les autres », une seconde maman ? Si l’homme peut « être dans l’affectif » et même dans le ludique avec ses enfants, doit-il, pour favoriser l’harmonie, entrer dans la dyade maman-enfant comme de nombreux papas s’y essaient avec plus ou moins de succès ? Doit-il oublier la fonction d’autorité à laquelle les « pères » traditionnels avaient le tord de s’identifier ?
L’idéologie égalitariste a parfois des difficultés à assumer la différence des sexes. La petite fille mise au monde par une personne du même sexe qu’elle et le petit garçon né d’une personne du sexe opposé n’ont pourtant pas le même rapport avec la maman qui leur a tout apporté et qui pour cela est perçue toute-puissante. Quand, en découvrant la différence des sexes, l’une se sent, comme sa référence et se croit hors des limites, l’autre souffrira de ne plus pouvoir s’identifier à son modèle premier. Pour supporter cette castration psychique primaire, il a besoin de la refouler en se prouvant qu’il n’a jamais voulu devenir comme sa maman et qu’il n’a donc aucune raison de souffrir. Pour cela, il lui faut dénier sa fascination pour le féminin et se persuader qu’il est préférable d’être un garçon. Ceci l’amène à exhiber ses attributs masculins et à dénigrer ce qui appartient à la féminité. Si ce machisme grotesque n’a pas lieu d’être cautionné par l’adulte, il est pourtant indispensable pour l’enfant qui a besoin, à ce moment, de trouver un modèle d’homme dont il est fier pour pouvoir sortir de sa sidération de la femme et se construire différemment.
Cette structuration différente du psychisme conditionne le rapport à la loi. La maman n’est perçue ni comme le papa et ni pareillement par les petits garçons et par les petites filles. Fantasmée toute-puissante, elle ne peut jouer les mêmes fonctions symboliques que le père. Ce qu’elle fait et dit est toujours interprété différemment par le tout petit enfant, qui, s’il peut enregistrer énormément de sensations n’a pas encore les moyens de tout comprendre. Cette maman peut, certes, faire preuve de sévérité. Si elle fixe seule des limites sans faire intervenir un tiers, l’enfant risque cependant de ne pas les intégrer. Il peut se soumettre mais cherche surtout à lui faire plaisir pour ne pas la perdre. Son but est de la copier pour rester dans la toute-puissance avec elle. Quand la maman veut le limiter, l’enfant lui n’a en fait qu’une idée : l’imiter. Il n’est jamais question de loi à respecter puisque les mots viennent d’un lieu où, pour lui, la limite n’existe pas. Il reste hors la loi (contrairement à l’enfant victime de l’autoritarisme qui peut la rejeter, lui, ne la connaît pas !).
Le compagnon (qui n’est pas forcément le géniteur ou le papa) n’a pas mis au monde l’enfant. Il n’est pas perçu tout-puissant et peut faire intégrer les limites aux enfants. Pour cela il doit non seulement jouer la fonction symbolique de père en disant la loi mais aussi être écouté. Et il ne le sera que s’il est nommé père et donc valorisé par la mère.
En consentant à se présenter comme quelqu’un qui écoute le père, la maman entre alors dans la fonction de mère. En donnant l’autorité à un Autre différent, elle signifie à l’enfant qu’elle n’est pas toute-puissante puisqu’elle manque et qu’elle a besoin de quelqu’un. Cet homme mérite alors d’être écouté et la loi à laquelle il se plie et qu’il se contente de dire (il ne s’agit pas de faire sa loi), sera plus facile à accepter. L’exemple de ses parents acceptant leur non toute-puissance (L’homme au pouvoir absolu ne peut être dans la fonction de père) permettra aussi à l’enfant de mieux assumer sa propre castration.
Il semble donc que le tout petit enfant qui ne voit pas la réalité comme l’adulte, ait besoin de ce jeu pour intégrer la loi dans les premières années. Ce n’est que s’il l’assimile à cet âge, qu’il pourra, par la suite et après des années d’explications, comprendre que la loi puisse être dite aussi par la mère et par d’autres. Si la tendance est de le considérer très vite comme un grand, il ne faut cependant pas oublier que lui n’aspire qu’à fusionner avec sa maman. De même qu’il a eu des difficultés à supporter que sa maman ait eu besoin d’un homme pour enfanter (le mythe de la vierge Marie), il résiste longtemps à admettre que sa maman puisse être limitée et dans la loi. C’est en effet, pour lui, assumer qu’il n’est pas tout-puissant alors qu’il veut rester l’enfant-roi sans contrainte ! C’est pour cela qu’il reste longtemps nécessaire de répéter sérieusement mais sans se prendre au sérieux, ce qui n’est qu’un jeu.
La différence des sexes est une limite qui n’autorise pas les discriminations. Lorsqu’elle est assumée et donc gérée, elle permet aux hommes et aux femmes d’entrer en relation, de se structurer et de grandir. Elle n’est pas la cause ou la conséquence de la guerre des sexes mais au contraire source de liberté. Sa gestion intelligente est la condition de l’éducation des enfants et du vivre ensemble …
Jean GABARD
Conférencier et auteur de « Le féminisme et ses dérives – Rendre un père à l’enfant-roi »,
Les Editions de Paris Max Chaleil, réédition nov. 2011. ISBN : 978-2-84621-158-1 PP 16 €