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  • Peut-on encore se mettre en jupe France Inter le débat de midi 20/08/12

     

     

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    Le samedi 1er septembre,

     

    j'étais l’invité de Jean-Mathieu Pernin

     

    dans une nouvelle émission hebdomadaire Le Pitch, 

     

    de 10h00 à 11h00,

     

    diffusée sur Le Mouv' radio du groupe Radio France.

     

     

    Le thème : existe-t-il un sexisme envers les hommes ?

     


    Pour réécouter l’interview

    http://www.lemouv.fr/player/reecouter?play=31760

    à partir de la 19ème minute

     




    « Peut-on encore se mettre en jupe ? »

    « Le débat de midi »   France Inter le 20/08/2012


     

    Suite au « débat de midi » de France Inter sur la jupe ( le 20/08/2012), une mise au point s’impose.

     

    Les propos de Najat Vallaud-Belkacem, Christine Bard, Sophie Peloux ont pu laisser penser que pour moi les victimes d’agressions sexistes étaient responsables (il a même été dit « coupables »).

    Je reprends donc mes propos.

    J’ai dit en parlant de la montée du machisme :

    « il faut prendre le problème dans sa globalité et comme dans toute relation, les relations hommes/femmes particulièrement, il me semble qu’il n’y a pas un camp qui est 100% coupable et un autre camp qui serait 100% victime. Il y aurait 50% de responsabilité de chaque côté… »

     

    J’accepte que l’on ne partage pas mon point de vue mais que l’on réagisse en transformant des propos assez évidents pour en faire des inepties, me semble être la marque d'un grand manque d'attention si ce  n'est de mauvaise foi !


     

     

    Le port de la jupe est en train de devenir le symbole de la lutte contre le machisme. Nous voici donc réduit à mener des actions spectaculaires pour dénoncer des attitudes masculines qui paraissent d’un autre âge ! Face à de telles sauvageries, il est en effet nécessaire de réagir et de prendre le problème au sérieux. Il est surtout impératif d’essayer de comprendre cette recrudescence du machisme pour ne pas traiter que les effets mais aussi les causes.

     

     

     

    Celle-ci est-elle liée à la persistance de la domination masculine, comme il est facile de le penser, ou aux derniers soubresauts d’une masculinité malmenée et en mal d’identité ? A moins que ce ne soient pas des signes annonciateurs de fin mais plutôt le début d’un dangereux retour en arrière ?

     

     

     

    Il est difficile de contester la persistance d’une certaine domination masculine. Les hommes sont encore les plus nombreux dans les postes de pouvoir qu’ils soient politiques ou économiques. Il est possible de penser aussi que des millénaires de domination patriarcale ne s’effacent pas en un jour, ni même en cinquante ans, ni même en cinq siècles si l’on fait remonter la remise en cause de celle-ci vers le début des Temps Modernes, vers le XVème siècle. Il existe encore des bastions conservateurs qui résistent et qui profitent aussi des crises sociales pour rameuter des mécontents de tout bord. Ces derniers n’adhérant d’ailleurs pas forcément à l’idéologie dont ils ne connaissent pas toujours les tenants et les aboutissants.

     

     

     

    Les nostalgiques de la société patriarcale sont malgré tout très peu nombreux aujourd’hui et ceux qui semblent l’être sont ceux qui ne l’ont jamais connue et n’ont pas essayé de la connaître. Qui aujourd’hui, dans les pays occidentaux pourrait accepter le manque de liberté et de justice des sociétés patriarcales traditionnelles ? Même les plus réactionnaires le prêchent plus qu’ils sont prêts à le vivre. Ces rebelles ne sont-ils pas comme la majorité de la population des personnes qui préfèrent l’instinct au recul, la proximité à la distance, la spontanéité à la réflexion, le lâcher prise au contrôle, l’imagination à la discipline, la passion à la raison, la sensibilité à la froideur, le plaisir à l’effort, la jeunesse à l’âge adulte… Ces valeurs que nous préférons aujourd’hui et que nous ne voulons plus objectivement qualifier de féminines sont pourtant, comme par hasard toutes celles qui étaient encore dénigrées il y a une cinquantaine d’année… Pourquoi d’ailleurs ne pas les rattacher au féminin, même si elles concernent aussi les hommes, dans la mesure où c’est dans le ventre de notre génitrice que nous avons eu l’impression, rétrospectivement, de connaître cette douceur, cette proximité, cette harmonie. De là naît le manque et donc le désir autrefois interdit. Aujourd’hui, en réaction, il est bon de le satisfaire et le plaisir est à consommer tout de suite (« paradise now ») et sans modération.

     

     

     

    La féminité qui devait être cachée pour ne pas perturber les activités sociales doit aujourd’hui s’exprimer au grand jour. Alors que les hommes ont imposé pendant des millénaires le masculin, une grande marque peut afficher sur tous les murs « demain sera féminin ». Le présent l’est déjà tellement que personne n’a fait la moindre objection, devant ces affiches, à ce qui aurait été considéré comme une provocation sexiste si « masculin » avait remplacé « féminin ». Mais nous sommes fascinés par le féminin et maintenant la pensée dominante nous encourage à l’être davantage et à le manifester.

     

     

     

     L’idéologie dominante ne donne jamais l’impression d’être une idéologie, ni d’être dominante : nous y adhérons sans nous en rendre compte ; C’est ce que nous faisons avec la vision du monde féministe devenue une idéologie et dont les militants ont parfois des difficultés à concevoir qu’ils puissent dériver.

     

     

     

    Ce renversement de l’idéologie ne serait qu’un juste retour de balancier s’il n’avait des conséquences terribles dans l’éducation des enfants.

     

    Nos enfants sont en effet éduqués dans ces valeurs. Ils passent la plupart de leur jeunesse dans les bras de femmes « libérées » qui ne peuvent pas être soupçonnées de leur inculquer des idées machistes. Ayant dans la famille l’autorité parentale elles ne jugent plus utile d’appeler un père pour dire la loi. Cette fonction symbolique autrefois dans les mains des mâles dominants, plus soucieux d’imposer leur dictature que d’éduquer vraiment, a été totalement discréditée. Les hommes, pourtant de plus en plus présents et remplissant beaucoup mieux qu’avant leur rôle de papa, ne peuvent entrer dans cette fonction symbolique (souvent méconnue des nouvelles générations de parents) même quand il peut leur arriver de le souhaiter. La maman qui n’entre pas dans la fonction symbolique de mère et qui ne donne pas la parole à un homme pour qu’il dise la loi, reste en effet pour le petit enfant une divinité toute-puissante, sans manque, à la fois fascinante et terrifiante. La parole du papa n’est alors pas écoutée comme une parole méritant de l’être et il ne lui reste plus que le rôle affectif quand ce n’est pas celui de simple subalterne de la maman.

     

     

     

    L’autorité paternelle n’est pas devenue, comme cela devrait être « une autorité parentale », ni même, comme cela semble être le cas, une autorité maternelle mais malheureusement « une autorité pas rentable ». Cette maman même moderne, en effet, n’est pas dans une position où elle peut avoir de l’autorité même si elle peut en faire preuve. Elle reste perçue sans limite et n’est donc pas en mesure de les faire intégrer. Quand elle croit limiter l’enfant, celui-ci ne pense qu’à l’imiter, à rester comme il pense qu’elle est : dans la toute-puissance !

     

     

     

    Si la maman acceptait de jouer le jeu en faisant appel à un homme, elle montrerait à l’enfant qu’elle manque puisqu’elle a besoin de quelqu’un et que l’homme à qui elle s’adresse mérite d’être écouté. Si l’homme acceptait de jouer le jeu et qu’il acceptait de dire la loi, sérieusement mais sans se prendre au sérieux, il permettrait au moins au petit garçon (qui a déjà subi une première limite, la castration psychique primaire en apprenant qu’il n’était pas du même sexe que sa référence), d’avoir une chance de l’accepter et de l’intégrer.

     

     

     

    Aujourd’hui nous sommes dans une idéologie égalitariste qui n’assume plus la différence. Quand elle croit en voir une,  confondant la différence des sexes (qui existe quelle que soit la culture) et la mauvaise utilisation qui en a été faite par les hommes pendant des milliers d’années, c’est pour la dénoncer comme une invention des hommes et une injustice. Ce postulat idéologique qui nous a imprégné, aboutit, certes, à la lutte contre les discriminations (et il y en a besoin) mais aussi au non respect de la différence, non respect qui est lui-même à la source du racisme et du sexisme : celui qui ne correspond pas à l’unité choisi ne peut-être qu’un attardé, un malade (la femme était inférieure pour le sexisme masculin). Pour aller vers « la guérison de l’homme malade » comme le préconise Elisabeth Badinter, il suffit qu’il « se laisse envahir par sa féminité ». S’il refuse de se soigner, il devient un réfractaire au progrès et il est rendu responsable de son exclusion. 

     

     

     

    Cette « théorie du genre » ne permet pas non plus, aujourd’hui, qu’un jeu différent (assimilé aux rôles traditionnels sexistes) puisse se jouer entre un père et une mère et la conséquence est visible chez les enfants. Ils restent hors la loi, dans le sens premier du terme. Ils peuvent éventuellement obéir quand ils ont peur de perdre la maman mais ne font que céder à ce qui ressemble pour eux à un chantage affectif. Quand l’adolescent en grandissant se détache de sa maman et qu’il a moins la crainte de la perdre, il n’a alors aucune raison de suivre des règles puisque pour lui il n’en a jamais été question.

     

     

     

    Ces enfants-rois peuvent devenir des adolescents tyrans incapables de s’adapter à l’école et à la société. Plus grave encore, les garçons qui n’ont jamais reçu d’image valorisée de l’homme n’ont pas de modèle pour se construire. Adolescent à l’identité fragile ils sont obligés d’inventer le modèle qu’ils n’ont jamais eu. Alors qu’ils arrivent à l’âge où il devrait commencer à assumer la castration, ils ont besoin de la refouler en se choisissant des modèles caricaturaux, les plus opposés aux femmes. Après la première guerre mondiale, les jeunes allemands aux pères humiliés (par la révolution industrielle, par la défaite, par le Diktat, par l’émancipation de leur femme, par leur pouvoir économique rongé par l’inflation, par le chômage …) et dévalorisés, ont été fascinés par les nazis. Des jeunes, aujourd’hui, ont des conduites à risque, choisissent comme modèles, au mieux des « stars » mais malheureusement aussi des héros qui ne brillent pas par leurs exploits sportifs mais par leur violence, leur intégrisme leur extrémisme. Pour se prouver qu’ils sont des hommes, ils se sentent obligés de s’opposer à l’autre sexe avec vulgarité, de le dominer, de le violenter… et le nationalisme ou la religion leur permet de se distinguer et de justifier leur machisme.

     

     

     

    Ces machos du XXIème siècle sont encore plus dangereux que les « machos traditionnels », tout  aussi incapables de sortir de l’enfance mais qui étaient malgré tout cadrés par une société rigide. Aujourd’hui ces nouveaux barbares sont de plus en plus nombreux et se retrouvent dans tous les milieux. Ils sont en liberté dans une société qui valorise le « no limite ».   

     

     

     

    Jean GABARD

     

    Auteur de « Le féminisme et ses dérives – Rendre un père à l’enfant-roi »,

     

    Les Editions de Paris, réédition novembre 2011.