Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Sans père ni repère

 

"Une erreur n'est pas une vérité parce qu'elle est partagée par beaucoup de gens, tout comme une vérité n'est pas fausse parce qu'elle est émise par un seul individu"

(Gandhi)


 

 

Sans père ni repère


1) Vous venez de publier un livre sur le féminisme et ses
dérives. Comment en êtes-vous arrivé à écrire ce livre ?

Alors que les lois qui permettent aux femmes d’accéder à l’égalité en droits viennent à peine d’être signées et sont encore loin d’être respectées, comment, en effet, avoir l’idée d’écrire un livre qui dénonce les dérives du féminisme ?
J’ai participé aux mouvements des années 1968 dont j’ai soutenu la vision du monde que j’appelle « féministe » dans la mesure où, surtout depuis le XVème siècle, elle s’oppose radicalement à l’idéologie de la société patriarcale traditionnelle autoritaire et machiste. Je la soutiens encore lorsque les mouvements féministes, qui ont pris la relève des mouvements libéraux et démocrates masculins, luttent pour la liberté et l’égalité en droits. Cependant j’ai pu constater, dans l’exercice de ma fonction d’enseignant, que pour beaucoup, la liberté consistait à vouloir faire tout ce que l’on avait envie de faire et que l’égalité en droit était confondue avec le droit à l’égalité. En m’intéressant à la pédagogie, à la psychologie de l’enfant, puis aux relations professeur-élèves, parents-enfants, hommes-femmes… j’ai pu mesurer les problèmes que ces confusions engendraient


2) Que reprochez-vous aux femmes d'aujourd'hui ?

Pourquoi voulez-vous que je reproche quelque chose aux femmes ? D’abord je ne dénonce pas le féminisme et encore moins les femmes, mais des dérives d’une idéologie dont les hommes et les femmes sont tout autant responsables que victimes. Je pense que ces dérives étaient malheureusement inévitables. Chaque fois que l’humain réagit, -et il y avait particulièrement besoin de réagir contre l’idéologie de la société patriarcale traditionnelle-, il a tendance à aller trop loin et comme on dit « à jeter le bébé avec l’eau du bain ». Simplement il faut assez rapidement prendre conscience de ces dérives afin d’essayer de les éviter.


3) Vous semblez dire que le père n'a plus sa place dans la société actuelle et que de là découlent bien des problèmes ? Pouvez-vous nous dire pourquoi ?

Le père, comme toute autorité, tenait son pouvoir de Dieu et il en a souvent usé et abusé en étant tyrannique et sexiste, si bien qu’aujourd’hui, en démocratie, en prônant le contraire au nom de la liberté, on ne veut plus qu’il exerce le pouvoir et, au nom de l’égalité, on ne veut surtout pas que sa fonction soit différente de celle de la mère : nous confondons aujourd’hui égalité en droits avec identité si bien que souvent aujourd’hui, les parents n’exercent auprès des enfants que des rôles affectifs semblables, en délaissant les fonctions symboliques connotées sexistes puisque différentes. Et pourtant ces fonctions sont indispensables pour permettre à l’enfant d’intégrer les « re/pères » dont il a besoin pour apprendre à l’école, pour vivre en société…


4) Ne pensez-vous pas que depuis que le monde est monde, il y a des rapports conflictuels entre les deux sexes ? Et qu'aujourd'hui ce n'est pas plus ni moins qu'hier ou demain ?

Bien sûr l’opposition a toujours existé. On peut cependant distinguer deux périodes et je l’espère trois. En simplifiant, je dirais que du Néolithique à la fin du Moyen-Age, période que l’on peut comparer à l’enfance de l’humanité, les hommes au pouvoir ayant des difficultés avec la différence ont décidé de maîtriser les femmes en les infériorisant. En réaction, pendant la période qui suit et que l’on peut comparer à l’adolescence, l’idéologie
« féministe » s’est ingéniée à gommer la différence des sexes jusqu’à la nier. Mais l’humanité ne doit-elle pas apprendre à l’assumer et à la gérer en respectant les droits des uns et des autres, si elle veut devenir adulte ?


5) Pensez-vous vraiment que les hommes sont en danger, quand les femmes sont au pouvoir ? Et qu'il en va du bien être de l'humanité que d'agir pour un juste équilibre ?

Qu’il y ait des hommes ou des femmes au pouvoir dans un système démocratique ne peut pas représenter de danger. Il y a danger quand l’homme ou la femme restent dans la toute-puissance. Au pouvoir, l’équilibre est bien sûr souhaitable, mais si une démocratie doit le favoriser, il faut prendre garde à ne pas nier la différence des sexes et à ne pas rechercher l’unité de sexe comme d’autres ont recherché l’unité de race ou l’unité de classe.


6) Vous organisez des conférences débats, comment êtes-vous perçus par les femmes ? N'avez-vous pas peur d'être taxé de misogyne ?

Mon discours n’est pas un discours séducteur, mais ceux qui dépassent le titre un peu provocateur de mon livre ou qui m’écoutent dans mes conférences-débat se rendent très vite compte que vouloir respecter la différence homme-femme n’est certes pas une voie facile, mais que c’est une condition première pour qu’hommes et femmes soient respectés : c’est ce discours que je propose et que je tente d’expliciter.


7) Sur quoi basez-vous votre travail ? Des observations ? Des études ?

Entre 1989 et 1998, j’ai suivi de nombreux séminaires sur la formation du psychisme qui m’ont énormément apporté.
J’ai aussi beaucoup lu et observé tant dans ma vie privée que professionnelle.


8) Quelle est votre conclusion sur tout ça ?

Ma conclusion est que l’humanité avance et qu’après l’enfance et la crise d’adolescence que nous traversons, nous pouvons tous avoir le projet de devenir adulte. Le simple fait d’essayer est déjà passionnant.


Propos recueillis par Nathalie Fabre
L’Hebdo de l’Ardèche 5 janvier 2007

 


 

 

Commentaires

  • J'ai mis un certain temps pour remarquer ta missive, sur Facebook, parmi le flot incessant de
    courrier auquel on est parfois tenté de s'abonner pour "suivre la vague et ne pas
    se laisser dépasser"..
    Il est certain que le problème évoqué du déficit dans la fonction paternelle n'est
    pas anodin. D'autres que vous l'ont déjà souligné.
    Mais mon sentiment (quand je t'ai fait la remarque relevée par toi et je te
    remercie de me relancer; l'intérêt est réciproque, il s'agit ici de cultiver le débat)
    c'est essentiellement que, dans notre civilisation industrielle avancée des pays
    d'Europe occidentale, au début du 21e siècle, un certain nombre de "seigneurs de
    la com" ont bien compris qu'il est de leur intérêt d'accentuer la différenciation des
    rôles, de prime abord entre les sexes - jeunes mâles et jeunes femelles, puis entre
    jeunes et vieux, ensuite entre ceux qui avancent "vers les lendemains radieux" et
    ceux qui restent sur le carreau, et d'autres dichotomies encore, lesquelles leur
    permettent d'affiner leurs recherches des prospects dans les campagnes de marketing.
    En l'occurrence, ta position - pour autant que tu en accepte l'idée, n'est pas
    nécessairement dominante par rapport aux tendances, générales ou classiques, qui
    attribuent ledit "beau rôle" (au choix) - au patriarche ou au parrain; - au guerrier revenant au
    foyer retour de campagne; - au chasseur, dans la même optique, avec la gibecière
    pleine; à l'ouvrier d'usine, avec sa prime de vacances, ou autres dits "congés payés".
    La formule existentialiste des Jean-Paul et Simone -"on ne naît pas femme, on le
    devient", peut s'appliquer finalement à presque tous les dits "statuts"; pas uniquement
    aux femmes figées dans leurs rôles décriés de fille, de mère, d'épouse; et c'est là
    où je ne saisis pas très bien la pertinence de ton argumentation.
    Si ce que tu proposes n'est pas expérimental ou n'aurait jamais été tenté, ce ne
    serait pas novateur; et par opposition, si c'est effectivement le cas, ce devrait
    nécessairement comporter encore une part de retour à des valeurs éprouvées, illustrées
    par de nombreux thèmes classiques d'une virilité triomphante, d'une fière paternité,
    d'une maturité jupitérienne ou d'une sénescence adulée.
    La perte de repères, dont souffrent effectivement les jeunes, n'est pas de mon point
    de vue autant liée qu'il y paraît à la "défection des pères" ou à la faiblesse d'une image
    paternelle et n'est pas pour autant comparable au phénomène "enfant-roi" ou enfant
    unique. Pour moi c'est surtout lié à l'incapacité devant laquelle sont placés tant les hommes
    que les femmes, quand ils assument les rôles de pères et de mères, incapacité à se tenir
    dans le bon courant du fleuve de la communication sociale actuellement confisquée par
    les médias commerciaux (subsidiés ou non par l'autorité publique)
    Le film "La vie est un long fleuve tranquille" est à cet égard pour moi une réussite,
    tant y est mis l'accent sur l'aliénation des parents - chacun dépassés, la mère autant que
    le père, devant les tendances sensiblement innées envers et contre toute attente, dans
    le comportement de leur garçon chéri (substitué par hasard à la naissance, dans un
    impécunieux service hospitalier )
    http://www.google.fr/search?as_q=&as_epq=la+vie+est+un+long+fleuve+tranquille&as_oq=&as_eq=&as_nlo=&as_nhi=&lr=lang_fr&cr=&as_qdr=all&as_sitesearch=&as_occt=any&safe=off&tbs=&as_filetype=&as_rights=

  • Il me semble qu'il ne faut pas confondre les rôles sociaux et les fonctions symboliques.

    Il n'est pas question pour moi de revenir aux anciens rôles sociaux !

    Dans mon discours "père" et "mère" sont des fonctions symboliques (Sinon j'emploie le terme de géniteur et génitrice ou "papa" et "maman") qui n'ont jamais été bien jouées jusqu'à maintenant (parce qu'elles étaient confondues aux rôles sociaux sexistes).

    Aller de l'avant consiste à essayer de bien les jouer. Et ce n'est pas facile ! ...

  • Les dits "rôles sociaux sexistes", dans l'argumentation de cette réponse, sont bien encore la marque d'une aliénation sociale effective. Avec le distinguo du discours bien typé de Jean Gabard "faudroit pas oublier de mettre la pelure avant d'intrer dans son char" en plein hiver chez nos cousins francophones du Saint-Laurent. Ainsi donc, les fonctions de père et mère (désarticulées de leur nature biologique, soit de géniteur, soit de génitrice) présentent un versant symbolique? Je veux bien, mais dites alors: c'est condamner d'emblée, par exemple: les personnes atteintes du syndrome de Klinefelter de toute possibilité de psychothérapie "symbolique"? Si ce discours "tient la route", est vraiment cohérent pour quiconque, et ne consiste pas à se payer de mots savants? et non, je ne me prends pas pour un dernier Khmer rouge égaré dans cet univers insolite Euratlantique-Nord! Et puis, si on interrogeait pour une fois les enfants qui sont au bout du compte les bénéficiaires finaux de ces dits "rôles sociaux" (sexistes ou non-sexistes) Dans cet univers insolite, résistent-ils à cette aliénation sociale, à cette violence symbolique ?
    Non, mais vraiment: quels jeux de piste - poil au kyste!

Les commentaires sont fermés.